On ne peut être que très surpris que le principal éditeur de logiciels graphiques pour Macintosh s'attaque à un éditeur de site web au prétexte de la divulgation d'informations confidentielles sur une nouvelle version d'un logiciel en l'occurrence Photoshop 6. MacNN n'est pas le premier site (ni le premier magazine papier) à livrer des informations de ce genre et, je l'espère, pas le dernier. Par ailleurs, le montant des dommages demandés ne correspond à rien sachant que les acheteurs de la version actuelle de Photoshop ont toujours bénéficié d'une mise à jour gratuite quand l'achat s'effectuait peu de temps avant la sortie de la nouvelle version. Alors, comment expliquer la position d'Adobe ?
- un coup de semonce à l'égard des bêta-testeurs utilisés gratuitement par Adobe et qui s'engagent à ne pas divulguer à un tiers le contenu du logiciel qui leur est prêté.
- un coup de semonce contre les organes d'information dont les annonces prématurées de nouveaux produits seraient préjudiciables à la vente des produits en cours. Cet argument est peu crédible dans le cas d'un logiciel dont la périodicité des nouvelles versions est régulière alors qu'il pourrait l'être pour du matériel entièrement nouveau (voir l'accord sur l'iMac entre Apple et la presse spécialisée)
- l'argument de la divulgation de procédés ou fonctions pouvant être utilisée par la concurrence ne tient pas non plus quand on connaît le temps de développement d'un logiciel. On peut remarquer à ce sujet qu'Adobe a présenté dans de nombreux shows publics locaux aux USA des versions bêta de Photoshop 6.
Pour ma part, je retiendrai surtout la première hypothèse quand on sait qu'au plan judiciaire, l'action d'Adobe n'a quasiment aucune chance d'aboutir. La presse américaine est protégée par le premier amendement de la constitution américaine qui concerne la liberté d'information et la protection de l'anonymat des sources. Une affaire récente similaire dans le domaine de l'automobile avait rejeté les demandes présentées par Ford (alors que la divulgation du design de prototypes était autrement plus dommageable pour le constructeur. Côté français, on peut dire que la presse est assez bien protégée, car en dehors de l'atteinte à la vie privée des personnes, la diffamation ou la divulgation d'informations personnelles telles que la déclaration de revenus (cas du Canard Enchaîné contre M.Calvet, alors PDG de Peugeot), aucun organe de presse n'a été condamné pour ce type d'affaires. Pour reprendre le cas de l'automobile, de nombreux magazines publient des photos ou des dessins de prototypes quelquefois plus d'un an avant leur sortie officielle. Conclusion : Si Adobe veut mieux contrôler l'information sur ses produits, il n'a qu'à tester les versions bêta de ses logiciels en interne en payant ses collaborateurs. Tout le long de l'année dernière, la presse s'était fait l'écho de l'état d'avancement d'InDesign sans que cela ait choqué le mois du monde qui que ce soit chez Adobe (car cela pouvait ralentir les ventes de Quark Xpress). Alors M. Warnock, arrêtez votre action avant de sombrer dans le ridicule et de vous trouver devant une fronde des utilisateurs. Vous vous devez d'échapper au syndrome Microsoft. Dans tous les pays démocratiques, la presse est libre et tant mieux. Alors, jouez le jeu comme tout le monde et pas seulement quand ça vous arrange.
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